▷ yesterday's trashs, tomorrow's news.

Il y a cette photo dans la poche de sa doudoune. Elle la serre. Depuis le temps qu’elle traine au fond de ses poches, depuis le temps qu’elle la tord dans tous les sens… depuis tout ce temps, la photo est froissée, on y distingue toujours deux petites têtes d’anges. Des anges ? Presque ; Andréas et Charlie, surtout. Cette photo, elle ne la quitte jamais. Depuis qu’Andréas a mis les voiles finalement. Quand il revient la voir, elle range la photo sous son oreiller et quand il repart, la photo reprend sa place dans la poche de sa veste.

Il y a ses gens qui la connaissent dans le Bronx. Charlie sort beaucoup, elle aime bien ça. Elle aime oublier le Bronx quelques heures, même si elle n’a pas foutu un pied en dehors du borough. Et puis, elle va pas se plaindre, elle aurait pu vivre à Staten Island ! Oui, quand elle y réfléchit, elle aime son quartier et elle aime y passer des soirées. La nuit, elle dort pas souvent, elle aime la nuit, elle aime la lumière de la lune, Charlie, elle aime tout ça. c’est pas une mauvaise fille.

Il y a son prénom, trop français, écorché, broyé par tous les américains. A tel point qu’elle l’a oublié. Charlotte n’existe que pour son père. Et comme son père, elle ne le voit pas… Il est le seul à l’appeler Charlotte, et quand ça arrive elle redevient une gamine de trois ans. Elle déteste ça. Elle perd son assurance, elle a l’impression de se faire engueuler, elle a l’impression qu’elle a fait une connerie. Non, elle c’est Charlie ; c’est beaucoup plus simple pour tout le monde, l’américain s’y fait vite. Même elle. Qui avait eu l’idée ? Sa mère, ou peut-être Andréas. Oui, c’était surement son idée à lui. Dr Charlie et Mrs Charlotte. Deux opposées ? A voir…

▷ hi, society.

Maman,

J’ai mis les voiles. Tu vois, je te l’avais dit. Moi aussi j’ai besoin de voir du pays. Tu vas me manquer tu sais, mais ici je commence à étouffer. C’est comme si j’étais dans une boite Tupperware transparente et que je voyais tout le monde bouger autour de moi, mais que je ne pouvais pas sortir de ma boite. L’angoisse, pas vrai ?
Et puis toi, tu sais que je risque rien. C’est toi qui m’as appris à vivre comme une adulte. J’ai pas peur de partir. J’ai peur de te laisser. Promets-moi de t’en sortir sans moi. Je sais que quand Andréas est parti t’étais triste, mais ça allait parce que j’étais là pour te faire sourire. Cette fois tu seras seule, mais ça ira, pas vrai ? T’inquiètes pas, je ferai très attention à moi.
Je vais aller à Paris, parce que tu sais… j’ai toujours aimé l’art, mais sans mentir, c’est pas dans le Bronx que je vais m’en sortir hein ? Et tu sais, j’ai travaillé dur pour obtenir cette bourse et de toute les propositions qu’on m’a faites… j’ai choisi Paris. Parce que ça fait partie de moi, non ? Oui, je sais je suis jamais sortie de chez nous, j’ai jamais vu plus loin que la statue de la Liberté, mais… Paris ! Et il y a Andréas là-bas. D’ailleurs, ne lui dit pas que je vais venir à Paris, je lui ferai la surprise.
Et je te promets de ne pas me faire avoir par papa. De toute façon, il y a de fortes chance que si je le croise on ne se reconnaisse pas, alors ne t’en fais pas, tu resteras toujours près de moi. Je reviendrais te voir. Si tu savais te servir d’un ordinateur, entre nous ce serait plus commode, mais je ne te blâme pas… moi non plus ces trucs là c’est pas ma tasse de tête.
M’en veux pas d’avoir écrit une lettre. Je pense que tu te doutais que j’allais partir, non ? J’ai dix-neuf ans, tu m’as appris à vivre seule et à avoir envie de rêver. Je fais de mon rêve une réalité. Mais ne m’en veux pas de te laisser, toi et moi, on a jamais été très douée pour les adieux, avouons le. Tu te souviens après le départ d’Andréas ? On a dormi toutes les deux pendant presque une semaine. Nous nous sentions toutes perdues dans cet appartement si petit et pourtant si vide et trop grand pour nous deux. Je me rappelle, j’avais eu l’impression que nous avions déménagé. Je ne reconnaissais plus notre appartement et pourtant c’était toujours le notre, Andréas était juste parti.
Tellement de choses se sont mises sur mon chemin en me disant « pars à Paris, pars à Paris » que je n’ai pas réussi à résister à tout ça. Je m’en sortirai. Je me rappelle que tu avais peur quand je suis entrée à l’école. J’étais toute petite et fragile, perdue au milieu de ces gens qui avaient la vie dure. Tu avais peur que je me fasse écraser (au sens propre ?) mais tout c’est bien passé, parce que tu m’as donné confiance en moi. Alors cette fois ce sera pareil, je n’ai aucune inquiétude.
Oh si jamais tu es en train de te demander si j’ai écrit une lettre à Jack, la réponse est non. Je suis allée le voir et je lui ai dit que je partais… Je ne suis pas sure qu’il l’ait très bien pris. Je te le dis à toi : j’étais vraiment triste de rompre avec lui. Je crois que finalement j’étais amoureuse de lui. Je sais pas trop… Mais Jack et moi, ça n’a jamais été simple. Le nombre de fois où tu m’as ramassé en train de pleurer dans mon lit à cause de lui ? Je ne les compte plus. Mais Jack était un gentil garçon dans le fond. Même s’il m’a fait beaucoup de mal, c’est que je n’ai pas été très tendre avec lui non plus. Enfin voila, s’il passe chez nous… dis lui bien que je suis désolée de l’avoir quitté comme je l’ai fait.
Et je suis encore plus désolée de te laisser avec une toute petite lettre. Mais j’ai pas le courage de te voir pleurer à l’aéroport pendant que je prends mon envol, je sais que ça me ferait trop mal au cœur et que je serais capable de ne plus prendre mon avion. Alors voila…
Je t’aime, Maman, à très vite.
Charlie.

PS : j’ai pris la boite de cookies que tu avais fait hier soir.

▷ you know you love me.

PSEUDO/PRÉNOM: romy. ÂGE: 20, déjà trop. FRÉQUENCE DE CONNEXION: 5/7 en général, sauf exception. SCÉNARIO/INVENTÉ: scénario d'andréas. AVATAR: julija steponaviciute. COMMENTAIRE: