▷ yesterday's trashs, tomorrow's news.

Clarence n’aime pas beaucoup qu’on lui demande sa carte d’identité quand il achète de l’alcool, ou qu’on ne le croie pas quand il dit ne pas avoir seize ans. Aussi, lui faire remarquer que ses bottes sont un peu trop grandes pour lui n’est pas le meilleur compliment qu’on peut lui faire. Le 38, c’est une taille de fille. » Le mignon ne peut s’empêcher de glisser des mots doux ou compliments quand il converse avec une fille. Mais c’est rarement très évolué ou romantique. Entre « eh l’abeille tu veux butiner mon miel » et « vas-y tu me branles je te suce les tétons », rares sont celles à rire de ses tentatives d’approche. C’est plus souvent des gifles et des insultes qu’il récolte… » Il a arrêté d’aller à l’école dès la sixième, quand on décida de le faire redoubler pour la première fois de sa scolarité. Clarence comprit que les tableaux verts et les copies ce n’était pas fait pour lui et préféra aller apprendre les règles de la rue plutôt que le théorème de Pythagore. Il se débrouille donc pour lire et écrire, mais ce n’est pas fameux. » Le brun a beau aimer la compagnie des animaux, il a cessé d’en adopter. A chaque fois que la police l’arrêtait, ils mettaient ses canins et félins à la S.P.A. Et s’ils n’étaient pas adoptés ou euthanasiés entre temps, les chercher coûtait pas mal au jeune homme. Et ils ne sont pas acceptés dans tous les foyers… néanmoins, avoir une bête à câliner lui manque. » Pour quelques euros, il se couche volontiers devant n’importe quelle femme (mais les hommes peuvent aller se rhabiller). Quelque chose qui ne plaisait pas beaucoup à Zora… mais cela lui payait sa drogue. La belle restait à la maison avec ses gamines, quand pas dehors à parler avec les autres oubliées des barres HLM. Clarence n’aime pas beaucoup faire cela, mais c’est un moyen rapide et efficace de se faire dix euros. Et dix euros, cela permet d’acheter deux cachets d’ecstasy. » Il chante la plupart du temps dans un mélange de français, anglais, allemand et polonais. Il parle d’ailleurs couramment ces langues, à l’exception de l’allemand où son vocabulaire est plutôt limité. Son père était un immigré polonais et ne pouvait communiquer avec sa mère qu’en anglais les premiers temps de leur relation. » Clarence n’a évidemment aucun respect pour l’ordre établi et encore moins pour ceux sensés le faire respecter. Ces derniers le lui rendent d’ailleurs bien. Le jeune punk n’entend presque plus rien de l’oreille gauche, un coup d’annuaire de la part d’un policier lui ayant fait claquer le tympan. Depuis, il souffre de fort maux de tête en plus de parler plus fort encore qu’avant. » Toutefois, le jeune homme n’en veut pas à la société toute entière. Il est plutôt heureux pour ceux ayant réussi et s’il les envie, aucunement ne les abhorre. C’est un peu grâce à eux qu’il survit… grâce aux pièces qu’ils veulent bien lui lancer. » Clarence a des amis de tous milieux, étant plutôt sociable et n’hésitant pas à donner un coup de main. Son air juvénile fait que les plus jeunes des aventuriers vont aisément vers lui, pour lui demander où trouver de l’héroïne, des seringues et s’il sait où la fête sera folle ce soir… parce que les pauvres aussi ont leurs moments d’hystérie et cela vaut toutes les petites sauteries des grands bourgeois, qui pensent que la décadence c’est le champagne et la cocaïne autour d’une piscine. » Il chante bien, mais n’a jamais travaillé sa voix ni voulu en faire son métier. Pour lui, cela semble impossible – et ce n’est pas son rêve. Chaton a pour seule ambition de trouver de quoi payer sa dose, vivant au jour le jour. » Il ne fume pas ce qui est vert, parce que cela a un effet vasodilatateur et que monsieur a des caries dû à sa consommation d’héroïne. Et pour calmer la douleur… il prend de l’héroïne. » Clarence a beau ne pas avoir de jolis mots, il n’hésite pas à défendre toute demoiselle qui semble en peine. Avoir été marié lui a appris à respecter le sexe opposé, quoiqu’on puisse penser de sa personne. » Le brun a toujours sur lui des photographies de sa famille et n’hésite pas à les montrer à qui le désire. Peut-être qu’ainsi, cela lui aidera à trouver où ont été placées ses filles… et peut-être que quelqu’un ira dire à Zora qu’il pense toujours à elle. Beaucoup. » Clarence est obligatoirement reconnaissant de ce qu’on fait pour lui et est bien conscient de ne pouvoir survivre que grâce à l’aide d’autrui. Il n’est pas si libre qu’il en a l’air…

▷ hi, society.

Des vagues hurlantes entouraient la scène improvisée, faite de vieilles planches de bois et clous rouillés. Le batteur était trop ivre pour à présent se préoccuper de sa grosse caisse, qui à tout moment risquait de casser les lattes du parquet surélevé. Seul l’acide le faisait encore s’agiter et chacun de ses gestes produisait un son qui n’avait plus rien de musical. Le guitariste lui avait encore l’esprit clair, mais le bassiste donnait l’impression de s’endormir dans ses bottes. Trop de crack, trop d’héroïne, pas assez de sommeil. Le son avait encore une fois été réglé à la va-vite et au final, on n’entendait plus que les notes s’élevant d’un synthétiseur derrière lequel s’acharnait une demoiselle à la tête pleine de dreadlocks, ainsi que les cris du chanteur. Le chanteur… un mètre soixante-sept, quarante-quatre kilos. Vingt-et-un ans, mais semblant n’en avoir que seize. Trois filles : cinq, trois et deux ans. Blondie, Doe et Rêve. Confiées à l’A.S.E. Rebaptisées Charlotte, Pauline et Anne-Marie. Une femme, Zora, retournée chez ses parents il y a trois semaines. Comme à chaque fois que cela allait mal. Mais le chanteur portait toujours son alliance, fièrement. Promesse d’un jour qu’il voulait être pour toujours. Serre les dents, Clarence ! Oh oui, il les serrait. Il mordait littéralement le micro, tirant de ses deux mains le fil électrique qui le retenait. Son corps luisait de sueur et on voyait, sur ses veines, les points rouges des seringues. Ses yeux clairs étaient injectés de sang, à un point que s’en était répugnant. Suivant une mélodie que seul lui connaissait, ses épaules et hanches ondulaient, rapidement tout autant que lascivement, hypnotisant ceux qui posaient sur lui leurs regards demeurés. Et ils tanguaient, et ils s’écrasaient, et ils rugissaient. Les pics de leurs blousons griffaient leurs peaux, des badges s’arrachaient. Plusieurs étaient montés sur l’estrade, brisant la frontière entre la musique et le public. Sautaient, hurlaient avec le groupe. Folle communion sentant la sueur et la crasse. Cela sentait l’urine, cela sentait l’humanité et la liberté. Des paumes noires, des ongles sales, des chaussettes raides. Un amas de maladies, de microbes et virus en tous genres. De problèmes mentaux et physiques. De cas sociaux, d’enfants à problèmes. De mauvais pères, de tristes mères. Mais au moins, la mauvaise bière était gratuite et les dealers oubliaient de compter ce qu’on leur devait.

Clarence préféra aussi oublier qu’il avait demain l’obligation de se rendre devant son conseiller à l’ANPE pour qu’on lui explique, yeux dans les yeux, pourquoi on lui retirait toutes aides sociales. Qu’on lui fasse bien sentir qu’il n’était qu’une merde, un moins que rien. Encore une fois. Retour à la rue, lui qui avait cru pouvoir s’en sortir. Mais quand, il y a huit mois, on lui avait retiré la garde de ses gamines, l’encore adolescent avait senti sa volonté se briser. Et avec le départ de Zora, ce qui lui restait d’espoir s’était envolé. Il faudra qu’il la prévienne que si elle souhaitait lui envoyer du courrier (comme une énième demande de divorce) il faudrait qu’elle s’adresse à l’ABEJ… et qu’il aille les voir pour, de nouveau, leur demander une boîte aux lettres. Pour continuer d’espérer recevoir des offres d’emploi et non pas des notes du Palais de Justice ou un courrier d’un recouvreur de dettes. Merde, quoi. Vingt-et-un ans et déjà que le suicide lui semblait une solution raisonnable. Il vivait là où il pouvait, enchaînant les foyers et les trous dans le métro. Devant prouver que malgré la maigreur de son corps, il avait assez de force pour défendre ses bottes au cuir usé. Et de toute façon, elles étaient trop petites pour la plupart des autres clochards qu’il croisait… Un petit trente-neuf, voilà ce que Clarence chaussait. Ah, cela faisait bien rire les crétins du coin ! Tout petit, tout mignon… comme un chaton. Mais c’était amical, quand on l’appelait chaton. Parce que tous savaient que mieux ne valait pas se frotter à chaton : plus que griffer, il arrachait les oreilles avec ses crocs. Et puis, c’était un fabuleux chanteur. Il serait dommage de s’en priver ! Sa voix grave, plaisante. « Plus que sa bite, c’est ses gémissements qui me font jouir » avait une fois lâché Zora, ricanant. Bien évidemment, on l’avait charrié. Mais pas trop. Chaton a un regard noir qui fait peur et des paroles qui frustrent. Vulgaire comme un poète, vipérin et mesquin. Chaton ne fait pas dans la dentelle et sait se servir de ses poings.

Mis à la rue à douze ans, avec un poignet cassé et une dent fêlée par une mère qui en avait marre de ce gredin. Elle aurait bien aimé que l’A.S.E. le prenne… qu’elle le place n’importe où, même ne serait-ce que pour une nuit, dans une drôle de famille. Elle s’en foutait qu’il fasse dix ou cent familles. Mais personne ne s’intéressait à ce gamin qui avait déjà fait de la prison parce qu’un juge avait pensé que cela lui remettrait les idées en place. Vol à main armée, piétinage de marchand et rire euphorique. Le mal ! Et tout ce que les barreaux lui apprirent, c’est qu’on est là-bas nourri, logé, blanchi et qu’on a l’eau et l’électricité. La télévision, aussi. Ils chantonnaient les slogans publicitaires et parlaient entre eux du dernier épisode de telle ou telle série sur M6 ou TF1. Et on demandait ce qu’un gamin de onze ans faisait là. On ne lui faisait pas de mal. Ce n’était qu’un gamin. On le couvait, on lui souriait. Quiconque tentait d’en faire sa belle se retrouvait le nez éclaté. En prison, il n’est pas bon d’être pédophile. Oh, ces quelques mois ! Clarence eut l’impression d’avoir trouvé une vraie famille. Avec plein de figures paternelles auxquelles désirer ressembler. Son géniteur n’avait jamais été qu’un coussin de plus dans le canapé du salon. Il n’avait jamais empêché son épouse de taquiner leur fils de l’incandescence de ses cigarettes ou de la pointe de ses escarpins. Même quand il était encore incapable de parler, ainsi se comportait-elle… Mais alors, pourquoi lui avoir donné naissance ? Encore le mignon se posait la question. Et à chaque fois qu’il filait une claque ou un coup de pied à une de ses filles, la peur qu’elles se souviennent de lui comme il se souvenait de sa mère le prenait à la gorge. Putain, mais que devait-il faire ? Quel chemin, quelle voie ? Qu’est-ce Rêve avait pleuré, quand il lui avait, sans le vouloir, déboité l’épaule. Et elle ne pouvait pas lui crier qu’elle souffrait, ne sachant point parler. Elle pleurait, jour et nuit. Tellement que Zora était devenue comme folle et s’était mise à la secouer, sans craindre de lui briser la nuque. Juste, désirant la faire taire. Qu’elle cesse de braire ! Certainement y avait-il quelque chose qui n’allait pas, se dit Clarence après trois jours. Mais le médecin coûte si cher ! Vingt-trois euros… et une fois ces vingt-trois euros mendiés et dépensés, une demande de placement pour enfants battus fut remplie par le médecin. Telle mère, tel fils ? Clarence s’en voulait et Zora le blâmait, à juste titre. Le mignon n’avait jamais été un tendre… brusque, caractériel. Infidèle, même. Mais il aimait la famille qu’il avait construite. Son havre de paix. Enfin un truc qu’il pouvait à peu près contrôler. Il avait même réussi à tous les faire sortir de la rue. Dur d’économiser pour payer un loyer et des Chocapics, quand on vit par le crack et la bibine. Devoir se lever pour changer des couches alors qu’on est en pleine descente. Pleurer devant ses gosses et sa femme parce qu’on ne veut pas ouvrir la porte. Quelqu’un a frappé… c’est certainement un huissier, ou la police. Oh, la peur de tout perdre ! Mais non, c’était juste les voisins d’en dessous, qui viennent vous demander de garder leurs chats le temps qu’ils aillent, pour la énième fois, en cure de désintoxication.

La peur au ventre… et voilà qu’il retombait à son plus bas. Contre les pavés parisiens, sur lesquels il s’assoirait pour mendier quelques pièces. Quelques passants lui offriraient un kebab. Personne ne s’arrêtera pour lui demander comment il va. S’il a besoin de parler, plutôt que de bouffer. Même s’il est maigre à en faire peur. Mais c’est l’héroïne, cela. C’est aussi elle qui fait qu’il sort plutôt le soir, ou quand il fait gris. La lumière le blesse. Sa peau le gratte. Il semble anxieux quand il parle. Chaton a besoin de se piquer, ou il va encore pleurer. Gouffre infernal qu’est le manque, la dépendance et les idées noires. Et les policiers viendront lui taper l’épaule et se moquer un peu de lui, avant de lui dire d’aller couiner ailleurs. Il dérange tous ces gens qui font leur shopping, allant de Prada à Dior en passant par Naf-Naf et Zara. Et ils mangent des gaufres pour leur goûter, rient ensemble et font mine de ne pas le voir. Le miséreux, l’oublié, le parasite ! Pourquoi lui en veulent-ils tous d’exister ? Pourquoi les filles ne sourient pas quand c’est lui qui les siffle, mais se trouvent flattées quand c’est ce bel homme, bien habillé, qui les reluque ? Pourquoi le trouve-t-on toujours si rustre, inapproprié ? On le refoule même à Carrefour, quand il veut aller acheter des pommes. Parce que dans les kebabs et les hamburgers, il n’y a pas beaucoup de verdure dedans… et que le Clarence est finalement plus du côté du ruminant que du carnassier. Oui, les haricots verts cela lui manque. Et Zora aussi. Et ses gamines aussi.

Clarence finit par lâcher le micro, dans un cri horrifié. Non, il ne voulait pas retourner tout en bas ! Il voulait fuir… de la drogue, vite. Plus de drogue. Son oxygène. Celle qui il avait toujours été fidèle. Celle qui avait toujours été là. Son enfer, son paradis. Son humanité. Vivre en vaut-il vraiment la peine ? Oh, chaton avait envie d’un câlin. Qu’on lui dise que tout allait bien. Que tout irait bien. Qu’on lui donne autant de baiser qu’il avait de taches de rousseur sur son nez. « Maman » finit-il par laisser filer, complètement déboussolé. Tombant sur ses genoux, effrayé. En même temps, Clarence n’avait que vingt-et-un ans. « Zora ! » A vingt-et-un ans, on veut juste s’amuser. Pas crouler sous les soucis.

▷ you know you love me.

PSEUDO/PRÉNOM: e-b. ÂGE: Vingt ans. FRÉQUENCE DE CONNEXION: 4/7. SCÉNARIO/INVENTÉ: Inventé. AVATAR: Kris Kidd. COMMENTAIRE: Le niveau a l'air top par ici. Et plus que de lignes, je parle de style ! *o* Les fiches que j'ai lu envoient du rêve.