CORVIDAE - Les plumes ébènes s’imbriquent à l’intérieur de mes poumons, elles assassinent les cris rauques de la douleur. Elles étouffent les cataclysmes, les brûlures. Laissant paraître une force magistrale mais il me fait gueuler. Hurler à l’intérieur. Ma voix se casse, disparaît dans les néants incontrôlables. C’est Hugin et Munin, deux infidèles, le miroir brisé en morceaux, ils me poussent à l’analyse, me font devenir azimuté dans des épîtres qui m’arrachent, les corbeaux creusent mon tombeau et parfois me protègent. Paradoxalement nuisibles, bouffeurs de chair, ils ne laissent que les os nus de toutes psychés. C’est le suaire de mes pensées, mon impuissance invisible. Un flux de questions qui amène vers un chemin sans fin. Ce sont les alibis achromatiques collés dans les parois de ma trachée. Trompeurs, maladifs, les corbeaux trônent, surveillent les frustrations et libèrent les échos instables. Bien qu’inaudibles, je les entends chuchoter dans d’âcres chrysalides. Iridescente comateuse, c’est la rébellion des démences. Ils me fixent indignés; leurs iris planent en moi, tombent une par une et s’envolent jusqu’à l’étoile du Sirius. C’est la passion obscure qui court à travers les constellations et les déserts arides. Increvable. Ils se relèvent toujours.


AQUILA - Dans mon crâne, le roi du ciel fonce sur le néant, plonge dans le vide dans un bruissement d’ailes, contourne les maladies et il apparait là où on ne l’attend pas. Pas forcément lorsqu’on a besoin de lui, il surprend. Ange des cieux, il n’a peur de rien, il ne lâche rien. Lorsqu’il apparaît, les corbeaux se taisent. Il s’échappe, passe dans mes nerfs pour défier la gravité de mes jambes. L’oiseau est impulsif, il conduit l’énergie dans mes doigts. Il pousse mes désirs à ses paroxysmes en défiant le soleil. L’audace s’enmmêle entre les terres, il n’a qu’un seul maître : l’horizon entre les paradis et les enfers. Sous ses ailes, il engage les batailles jusqu’à éteindre ses souffles. Courageux, il se bat contre mes plaies. Il crée les révolutions de mes forces dans un nouveau nom. Il massacre les damnés. Impériale mais surtout capricieux, il ne traverse pas toujours les tempêtes. Cependant il arrive qu’il s’infiltre dans mes hémoglobines, se diffusant dans mes artères jusqu’à mon muscle moteur. C’est de cette façon qu’il trace les trajectoires célestes.


SIRIUS - Les sentiers m’ont emmené dans un monde étrange, le Sirius affaibli est son propre ennemi. Un fantôme incolore qui se délit, se décharne sur les plages de ce paysage. Mon estomac se tord. Mes viscères se resserrent dans un lent bal et je cours. La cime me crame. Le contrôle n’existe plus. Mes muscles deviennent des comètes laissant des traces derrière leurs passages. Mes pas flottent et tuent chacun des noms apparaissant dans mon esprit. Mon âme se détache, se perd sous terre et n’existe plus. Le Sirius devient rouge. Vermillion intouchable. La lumière s’éteint. Le sang de l’étoile morte se dissipe dans le ciel. La violence à l’intérieur s’accroit. Immolé. La puissance dans le cœur, je cours encore. Les battements dans la tête. Dans la tête. C’est la fin, mais Sirius vit pour toujours la nuit. Mon corps tombe sur le sable. Les algues m’attachent comme Jésus sur sa croix, troue mes mains comme des stigmates. L’eau vient recouvrir mon corps. Je m’enlise dans le sable. Le Sirius crève. Le Sirius plonge, le Sirius se noie, le Sirius s’échappe et il se régénère. Il n’y a pas de peur, il n’y a pas d’angoisse. Les vagues m’arrachent les jambes, aucun crie ne sort. C’est juste la délivrance. Depuis combien de temps est-il là ? Cassé dans l’eau, j’entend le chant de la tempête. Où est l’homme ? Est-ce que tu le veux vraiment ? Le Sirius vient se cracher, flotte au-dessus de mon armure et je l’avale. Il se fusionne en moi sous la pluie du sang.

LITHIUM - Des os, des organes, une forme étrangement filiforme qui disparait dans l’ombre des souvenirs. Les pigments colorés s’incrustent sous mes doigts, ils se libèrent sur le papier vierge, salit, soullié comme si je me libérais de ma prison, la prison de mon corps. Sur un pont inconnu, il y a cette énorme vague qui passe. Cette vague, puissante. Le peuple sur le pont la regarde passer au-dessus d’eux et moi, instinctivement, je lui tourne le dos sans peur. Mes paupières se ferment, automatiquement elles se scellent. J’entends le monde pousser des cris d’émerveillement, je les éteins l’un après l’autre puis j’inspire. J’inspire profondément. J’ouvre peu à peu les paupières et j’aperçois l’eau voler par-dessus ma tête, des jets poussés dans le néant du ciel. Automatiquement, j’ai cette envie de prendre mon appareil mais je ne le fais pas car au fond je sais. Je sais. Et puis la vague m’effleure, me touche, me bénit et s’incruste en moi. Je n’ai pas besoin de me battre contre elle, elle est en moi, m’appartient. Je reprends ma marche. Le lithium, c’est mon amour, c’est ma maison, mon art, ma sépulture et mon sanctuaire. L’atome tatoué sur ma peau comme une évidence que le monde ne peut pas comprendre.